Présenté en Conseil des ministres, mercredi 5 février 2020, le projet de loi « accélération et simplification de l’action publique » dite « loi ASAP » comporte plusieurs dispositions visant à simplifier les règles de vente en ligne de médicaments de prescription facultatives. De nouvelles pratiques qui inquiètent les pharmaciens traditionnels.

Lever les obstacles à la vente de médicaments en ligne

L’article 34 du projet de loi prévoit d’assouplir le code de la santé publique applicable à la vente en ligne de médicaments « en passant d'un régime d'autorisation à un régime de déclaration pour la création de sites internet d'officines ».

L’objectif du projet de loi est de permettre le développement de plateformes mutualisées entre officines qui le souhaitent. Il s’appuie sur les préconisations émises par l’Autorité de la concurrence dans son avis n°19-A-08 du 4 avril 2019 relatif aux secteurs de la distribution du médicament en ville et de la biologie médicale privée.

Création de locaux extérieurs à l’officine

Parmi les recommandations formulées par l’Autorité de la concurrence figure la création de locaux extérieurs à l’officine dans lesquels seraient stockés les produits vendus en ligne.

« Il conviendrait notamment de permettre aux officines de disposer de locaux de stockages situés à distance de l’officine, d’autoriser les pharmaciens à regrouper leur offre via un site commun ou encore de revoir la règle de recrutement de pharmaciens adjoints, afin que celle-ci repose principalement sur les ventes de médicaments réalisées par l’officine, sans inclure les ventes de produits de parapharmacie. » (Avis de l’Autorité de la concurrence)

Assouplissement des obligations de recrutement du personnel

Un arrêté du 15 mai 2011 impose aux pharmaciens le recrutement d’un nouvel adjoint pour chaque nouvelle tranche de 1,3 M€ de chiffre d’affaires, sans distinguer la part de ce chiffre réalisée par la vente de médicaments de produits de parapharmacie.

Selon l’avis de l’Autorité de la concurrence, ce critère n’apparait « pas adapté aux besoins réels de recrutement de pharmaciens adjoints des cyberpharmacies, dont la part d’activité liée à la vente de médicaments est très inférieure à celle des officies en dur. » « Cette règle fait ainsi peser un coût salarial disproportionné sur l’activité de vente en ligne. »

Elle propose donc un changement des règles de calcul rendant obligatoire la présence d’un pharmacien adjoint secondant le titulaire.

Un projet de loi qui banalise le médicament ?

Pour l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), ce texte prend le contrepied des mesures prises avec le ministère de la Santé depuis deux ans :

  • Renforcer le rôle du pharmacien vers l’accompagnement du patient, le bon usage du médicament et la sécurité
  • Renforcer son action de professionnel de santé de proximité sur tout le territoire
  • Contrer une dérive purement commerciale du médicament et éviter de créer des pharmacies à deux vitesses

« Ce projet banalise le médicament, menace les petites pharmacies et leur présence sur l’ensemble du territoire, à proximité des patients. »

Contacté par LCI, le président de l’USPO, Gilles Bonnefond, envisage « d’appeler les pharmaciens de France à fermer pendant une journée en signe de protestation ».

Les précisions de la ministre de la Santé

Invitée chez RMC, mercredi 5 février, la ministre de la Santé a tenté de rassurer la profession. Selon elle, le Gouvernement ne souhaite pas laisser des plateformes, de type Amazon, vendre des médicaments, « cela doit rester à la main des pharmaciens d’officines » explique la ministre au micro de Jean-Jacques Bourdin.

« Ce que propose le Gouvernement, c’est une capacité de mutualiser entre plusieurs pharmacies cette vente en ligne, et que le stock ne soit pas forcément dans le local de la pharmacie ».